Après avoir parcouru les origines des métavers, leurs impacts sur notre rapport à l’espace et au temps, et avant d’en aborder les opportunités et les menaces, les métavers seraient-ils une potentielle 3ème voie ? Théoriquement, oui ! Pour les perspectives économiques « sans limites » qu’ils ouvriraient tout en permettant une véritable décroissance du monde physique. Et en pratique ? Les métavers ne seront-ils pas une catastrophe écologique de plus ?
Métavers et écologie : une 3ème voie ?
Comment concilier enjeux économiques (croissance infinie) et enjeux écologiques (limites physiques) ? Nous assistons actuellement à un « choc des mondes ». Quelle voie utiliser pour concilier l’ensemble des enjeux ? Les métavers pourraient-ils tracer cette « 3ème voie » ?
Les métavers questionnent profondément notre rapport au monde physique et matériel. Il est même possible que nous n’appréhendions, à ce stade, qu’une infirme partie des bouleversements générés…
Une décroissance (enfin) envisageable dans le monde physique
De quoi aurions-nous besoin si nous passons l’essentiel de notre temps dans des espaces virtuels ? Nos besoins matériels pourraient rapidement diminuer :
- des habitats « sobres »,
- moins d’objets manufacturés superflus,
- des déplacements moins fréquents,
- une pollution industrielles plus faibles (moins de produits physiques / manufacturés), et donc, une meilleure qualité de l’air et de l’eau (?),
- des besoins de fret limités (les objets seraient virtuels plutôt que matériel),
Et puisque nous venons de traverser une pandémie : l’isolation physique et la baisse des déplacements limiteraient les épidémies, sans toutefois rompre nos rapports sociaux ou mettre de coup d’arrêt à l’économie…
Métavers et écologie : une catastrophe de plus ?
En se basant sur certaines préconisations pour réduire son empreinte carbone – et ainsi répondre aux objectifs fixés par la Conférence de Paris sur le Climat – chaque Français doit diviser son empreinte carbone par 5 d’ici à 2050 (2 T de CO2 par an / habitant contre 10 T actuellement). La décroissance envisagée pourrait nous permettre de grappiller quelques tonnes de CO2/ an et /habitant, notamment en limitant nos déplacements.
Mais pour évoluer au coeur des métavers, nous aurions cependant besoin d’équipements capables de supporter une navigation fluide, particulièrement dans un contexte professionnel, c’est-à-dire avec plusieurs applications ouvertes en même temps…
Dans un récent article de Marine Protais pour l’ADN, Frédéric Bordage alertait sur la nécessité de tendre vers la sobriété.
Selon lui, le rythme de production des équipements (physiques) ne pourront être soutenus à long terme…
L’effet rebond
Par ailleurs, Jean-Marc Jancovici explique régulièrement l’effet rebond. À chaque évolution, nous compensons. C’est-à-dire que les « économies » d’énergies réalisées sont systématiquement compensées par une modification des comportements et une augmentation du volume… Pourquoi l’émergence des métavers ferait-elle exception ?
En multipliant les produits « à l’infini », nous rattraperions tôt ou tard nos dépenses énergétiques actuelles.
Pire. Rien n’indique que l’existence de marchés virtuels, si sophistiqués soient-ils, viennent remplacer nos modes de vie actuels.
Jusqu’à présent, les technologies n’ont fait que s’empiler les unes aux autres. Bien loin de réduire ou de modifier nos comportements d’achat, chaque solution, chaque medium, chaque espace numérique, ne fait que les amplifier…
Autant dire que l’espérance d’une décroissance initiée par les métavers est illusoire, voire utopique.
La réalité : le luxe de demain ?
Les pénuries de matières première, les enjeux écologiques, les crises économiques… Et si tous ces facteurs nous poussaient malgré tout vers des alternatives virtuelles ? Mieux. Et si la seule alternative sérieuse qui permettrait d’envisager une décroissance sans générer une crise économique majeure consistait à imposer des normes et de lourdes règlementations physiques à l’immense majorité des habitants de la planète ?
La menace de l’argument écologique ?
ajout du 27.11.2021. Ce point devait être traité dans un article consacré aux menaces, mais dans un souci de cohérence globale, nous l’avons déplacé ici.
Nous allons un peu loin, mais cette piste mérite d’être explorée. Oui, l’argument écologique est une véritable menace potentielle. Si nous sommes encore « libres » de décider de notre empreinte carbone, les Institutions pourraient règlementer. En clair, les incitations d’aujourd’hui pourraient devenir des injonctions demain. La hausse des prix des énergies limitent déjà les déplacements de certains individus (rappelons-nous la taxe carbone).
En imposant une digitalisation massive de l’ensemble des secteurs au prétexte d’arguments écologiques, il sera assez simple transformer l’ensemble de la société et de :
- mesurer l’impact carbone de chaque citoyen (tracking des déplacements),
- basculer une grande partie de l’économie physique dans le monde virtuel,
- limiter l’impact économique produit par la diminution des déplacements physiques,
Demain, les métavers permettront de déplacer une grande partie des marchés physiques en ligne. Plus qu’une alternative, les métavers pourraient devenir incontournables pour bénéficier de certaines expériences à des tarifs « acceptables » pour la majorité des individus (spectacles, conférences, éducation, etc.).
