Les stratégies « user centrics » sont plébiscitées par les marques. Trop souvent encore, les approches actuelles ne prennent en compte que la stratégie / la stratégie de moyens de la marque alors que l’utilisateur est, lui, dans une réalité plus globale, en contact simultané avec des marques et des dispositifs…
User centric, une approche conceptuelle
Votre agence vous a préparé des personas léchés et des « user journey » types, le tout dans une présentation soignée. Oui. Mais savez-vous qui est vraiment votre « user » ? Connaissez-vous sa réalité ? Le contexte global dans lequel il évolue ? Savez-vous combien de messages de marques viennent l’interrompre ou le distraire, tout au long de la journée ?
Bien souvent, ces profils d’utilisateurs ne sont que des concepts, dépourvus d’émotions (si ce ne sont celles sensées être générées par les dispositifs de votre marque), de perception, etc. Pourtant, ces utilisateurs sont bien réels. Ils sont humains, comme vous et moi et perçoivent vos messages, non pas dans votre écosystème de marque, mais dans un écosystème global, où vous n’êtes pas le seul à prendre la parole. Maintenant que vous avez ce paramètre en tête, pensez-vous que votre stratégie actuelle est toujours bien adaptée à la réalité de vos utilisateurs ?
Des dispositifs et des messages identiques
Allons plus loin. Les approches actuelles, court-termistes et ultra-roistes sont, la plupart du temps, des copies de dispositifs performants d’autres marques. Chacun se contente de les dupliquer et de les intégrer à sa propre stratégie. L’exemple de l’automation Prenons l’exemple de l’automation, il est criant de vérité. Vous avez probablement des scénarios qui vous permettent d’évaluer la satisfaction de vos clients. Ils sont généralement déclenchés à l’issue d’un achat. Pour vous, c’est pratique. En un message, vous pouvez savoir si le consommateur est satisfait du produit, du vendeur, de la livraison, etc. pour un coût extrêmement faible. Et la stratégie a fonctionné au début. Vous obteniez beaucoup d’engagement et de réponses de la part de vos consommateurs. Mais aujourd’hui, combien d’utilisateurs vous répondent ? Savez-vous combien de messages de ce type un individu reçoit en une année ? Le calcul est assez simple. Selon la Fevad, et avant la pandémie, un Français achetait en moyenne 3,5 produits par mois (arrondissons à 3) soient 36 achats annuels environ. Cet individu recevra donc, au minimum, 36 messages de marques similaires ou presque pour lui demander d’évaluer un produit ou un service. Comme les scénarios comportent généralement au moins une relance en cas d’absence de réponse, cet utilisateur recevra potentiellement près de 72 messages de la même teneur tout au long de l’année (donc 6 chaque mois). Et ici, nous ne parlons que d’un message, répété environ 72 fois tout au long de l’année… Cela commence à faire beaucoup. Et quelle est la perception réelle du consommateur ? Une expérience de marque souvent détériorée par ces messages automatisés sans substance et qui n’apportent rien à l’utilisateur, qui aura naturellement pris contact avec le SAV en cas de souci. Même si il ne le verbalise pas ainsi, le consommateur est conscient que sans contre-partie, son feedback servira à améliorer les parcours d’achat, et donc les profits de la marque. Il a donc la sensation que la relation n’est plus équilibrée. Mais cela va au-delà. Il ressent une saturation.
Saturé, l’individu entre en résistance
Matraqué par des messages et des sollicitations constantes d’un ensemble de marques, l’individu saturé met en place des mécanismes de résistance, voire des stratégies d’évitement. Nous connaissons le phénomène « adblock » mais cela va encore plus loin… Certains petits groupes rejettent aujourd’hui la société de consommation dans son ensemble et vivent désormais en dehors de notre système. Une part plus importante d’individus souhaitent encore faire société et acceptent certaines pratiques, mais en rejettent d’autres. Ces individus adoptent des stratégies pour éviter les messages des marques ou les publicités trop intrusives. L’épisode du podcast met en avant la thématique du « Privacy » qui peut être vu comme une autre forme de résistance. Nous pouvons nous interroger sur l’ampleur qu’a pris ce sujet dans nos sociétés et sur les raisons de cette méfiance extrême. Les abus de certaines entreprises ont naturellement saturés le public, qui se méfie de plus en plus de l’utilisation des données par les acteurs du marché. Et c’est sans compter les scandales à répétition qui ne cessent de renforcer cette méfiance ; pour n’en citer que quelques uns : Facebook et Cambridge Analytica et aujourd’hui, l’enquête sur les faux comptes du réseau social et leurs impacts sur la publicité ciblée. Ou encore, What’s App qui perd 25 millions d’utilisateurs à la suite de l’actualisation de ses CGU…
Le monde répétitif du consommateur
Cependant, l’environnement répétitif du consommateur ne s’arrête (malheureusement) pas là. Le ciblage publicitaire peut, lui aussi, provoquer des effets de saturation importants. Depuis plusieurs années maintenant, le ciblage est tel que de nombreux individus perçoivent un manque de diversité dans les campagnes qui leurs sont adressées. De nombreux témoignages montrent que cette répétition peut avoir des effets contre-productifs, comme le rejet. Lors d’une conversation récente, une personne m’expliquait qu’il y a quelque temps, elle a eu envie d’aller voir un film après avoir visualisé une bande-annonce sur Internet. Cependant, les pré roll YouTube lui ont présenté cette même bande-annonce plusieurs jours d’affilés. Finalement, agacée par la répétition incessante de cette bande-annonce, cette personne a renoncé à aller voir ce film en salle. D’autres expriment le manque de diversité dans les marques avec lesquelles elles sont en contact et regrette l’époque où elles découvraient une nouvelle marque, un nouveau produit. Nous l’avons évoqué : les marques sont redondantes les unes par rapport aux autres car elles ne proposent presque que des « écosystèmes de dispositifs roistes » où la mécanique et le messages sont les mêmes ou presque. Cette vision roiste et court-termiste bride la créativité, tant dans le dispositif que dans le message. Il reste finalement peu de secteurs et de moins en moins d’espaces où la marque peut s’exprimer librement et proposer des expériences clients plus originales…
Perte d’identité et détérioration de la relation client
Finalement, pour les consommateurs, les marques aujourd’hui se ressemblent toutes ou presque. Hormis les Love Brands et quelques exceptions, quelles marques peuvent véritablement mettre en avant un ADN fort ou différenciant ? Ces approches court-termistes appliquées pendant plusieurs années impactent la relation des consommateurs aux marques et l’intérêt se tourne désormais vers des annonceurs plus vertueux et respectueux du public.
Une troisième voie ?
Dans ces conditions, quelle voie pour les marques ? Comment peuvent-elles rester visibles au sein d’un marché ultra concurrentiel si elles communiquent moins ? Il ne s’agit pas de communiquer moins, mais mieux, et de respecter le consommateur. Il me semble qu’une troisième voie existe déjà. Elle permet d’inscrire la marque dans une approche moyen-termiste et lui (re)conférer un ADN fort, de (re)construire la relation client sur des bases saines. Elle permet aussi de mettre en oeuvre des dispositifs roistes mais de façon différente et de déployer des solutions simples, de bon sens, qui apporteront du ROI aux marques et qui se montreront plus respectueuses du public.