Il existe de nombreux aspects qui poussent annonceurs et agences à repenser leurs rôles, leurs méthodes, leurs produits / services. La pandémie a mis en exergue une réalité présente depuis de nombreuses années : la crise de confiance du public.
Une remise en question systématique ?
Que ce soit au niveau politique, avec les débordements de la sortie de Trump, ou en France avec les conversations autour de la gestion de crise de la pandémie, au niveau médiatique, scientifique, etc. les crispations récentes montrent que le public remet de plus en plus facilement en question les discours, les informations et les communications. Et les entreprises sont et seront de plus en plus concernées par ce phénomène.
De la méfiance, de la défiance… à la crise de confiance
Il existe de nombreux facteurs humains, sociaux, économiques ou culturels permettant d’expliquer les crises de confiance actuelles. Et si ces dernières dépassent largement le champ du marketing ou de la communication des marques, il n’en demeure pas moins que ces crises impactent les stratégies et les positionnements des annonceurs. Sans analyser l’ensemble des facteurs qui mènent à ces crises, il est nécessaire de comprendre certains mécanismes en lien avec la communication et le marketing qui participent largement à ces phénomènes. Parmi les nombreuses études sur le sujet, les nouveaux modes de communication mis en exergue dès 2007 par Christian Salmon dans Verbicide sont extrêmement intéressants. Ce que décrit Christian Salmon s’illustre avec la multiplication de « mots-valises » rassemblant de nombreux concepts. Intégrés au langage usuel des marketeurs, des agences puis du grand public, ces « mots-conteneurs » (plutôt que « valises », tant ils contiennent aujourd’hui d’idées ou de concepts) génèrent une perte de sens, et même parfois, une perte de bon sens.
Des consommateurs saturés par la « bienveillance » des marques à leur égard…
Pour poursuivre avec l’exemple des « mots-conteneurs », il faut comprendre que ce ne sont pas les mots qui sont responsables de la lassitude du public. C’est la répétition de ces expressions et leur duplication « à l’infini » dans la mise en oeuvre de stratégies mal pensées – ou plutôt, trop bien pensées et élaborées par automatisme ou par mimétismes – qui vont jusqu’à provoquer des effets contre-productifs.
Si des « mots-conteneurs » existent, c’est d’abord parce qu’ils ont été efficaces et copiés par d’autres, dans un souci de performance. Comme en magasin, où en un mot et un coup d’oeil, l’individu pressé doit comprendre l’univers de la marque / du produit puis l’acheter, les « mots-conteneurs » permettent sur Internet de saisir une idée ou de vendre un produit en un instant. Sur Internet cependant, la démarche va encore plus loin puisque la relation se poursuit au-delà de l’acte d’achat. Dans un contenu, les « mots-conteneurs » indiquent à un internaute ce que la marque lui propose ou attend de lui, et l’incitent à agir en conséquence. Les mécaniques sont parfois si généralisées que les expériences proposées par des marques concurrentes ou très différentes restent finalement très similaires les unes par rapport aux autres. C’est d’autant plus vrai lorsque la technique s’en mêle. Le marketing automation, par exemple, permet d’inscrire des utilisateurs ou des clients dans un scénario toujours identique en fonction de leurs comportements ou de leurs actions… Et, pour une action similaire, d’une entreprise à l’autre, on obtient finalement plus ou moins les mêmes mécaniques et les mêmes messages… Pensez simplement à la mesure de la satisfaction client, où après chaque achat ou presque, un individu reçoit un message et des relances aux contenus galvaudés et quasi similaires. Multipliez ces messages par le nombre d’achats moyens qu’effectue chaque année un Français sur Internet (3,5 achats / mois, 42 messages par an / 84 avec les relances. Source : Fevad).
Quand efficience devient perte de bon sens
Pratique et bon marché pour la marque, la communication de masse offerte par le marketing automation génère une saturation sous l’effet de la répétition. N’oublions pas qu’il ne s’agit que d’un exemple de la saturation, et que d’autres mécaniques, dispositifs ou supports y participent également. L’ensemble de ces mécaniques répétitives provoque même un effet contre-productif, dû à la perte de sens global des messages, pourtant adressés par différents acteurs.
Pour une partie du public, ces prétextes emballés dans des expressions « bienveillantes » et galvaudées deviennent insupportables. Toujours avec l’exemple du message automatisé permettant une évaluation de la satisfaction, les utilisateurs / clients se sentent littéralement mis au service des marques sous couvert d’améliorer leur expérience d’achat. Beaucoup y perçoivent en fait, la volonté d’une marque d’augmenter sa propre efficacité, et donc, son profit… au détriment de la relation client. La promesse du « gagnant-gagnant » ne fonctionne plus car la pratique s’est très largement généralisée et l’individu est trop sollicité : il existe désormais un déséquilibre. Qu’y gagne vraiment le client / l’utilisateur ? D’autant que « l’expérience » que lui propose la marque est globalement la même ailleurs…
Et ce déséquilibre va parfois encore plus loin, notamment quand les représentants de la marque de différents services n’ont pas les mêmes objectifs ou jouent faussement la carte de la connivence avec le client. Peut-être avez-vous eu une expérience similaire ? Voici une anecdote personnelle qui fait écho lorsque je la raconte autour de moi : J’ai récemment changé de FAI. Naturellement, à réception de ma demande de résiliation, un conseiller serviable dédié à la relation client me contacte et me demande la raison de mon désabonnement. Préalablement agacée par cet appel où je sais qu’on va me demander :- pourquoi je pars,- chez qui je vais – quand mon engagement expire pour me spammer d’offres un peu avant l’échéance, j’explique avoir quitté sa marque pour des raisons de tarifs par rapport aux services. Il m’explique alors que la prochaine fois que je serai liée avec eux, il ne faudrait pas que j’hésite à exprimer du mécontentement auprès du service commercial à l’échéance de mon engagement, puis tous les douze mois, en menaçant de changer d’opérateur afin de continuer à bénéficier du même tarif préférentiel que celui de l’offre d’appel à laquelle j’avais souscrit. Il me demande bien sûr à quel opérateur je destine mon abonnement et combien de temps dure mon engagement. Et, à la fin de la conversation, il m’invite à rester en ligne après qu’il ait raccroché car un service tiers allait me demander d’attribuer une note de satisfaction à notre échange… Il me fait comprendre d’un air complice que la meilleure note serait toute indiquée si il a bien répondu à mes attentes… J’ai répondu « oui », mais j’ai finalement raccroché…
Comment la marque peut-elle rester crédible et ne pas générer de la méfiance après de tels discours, probablement répétés à chaque conversation avec des churners ? À la décharge des marques et des annonceurs, après les évolutions de ces vingt dernières années, comment piloter efficacement des stratégies de façon cohérente avec tant de facteurs humains, d’intervenants internes et externes, de métiers et tant de paramètres ?
Le retour du sens (et du bon sens) et le besoin d’essentiel
Lorsqu’on observe la manière dont se construisent les stratégies en entreprise (de marque, digitale, omnicanal, social media, etc.) et les différents interlocuteurs présents au sein de Directions (Générale, Marketing, Commerciale, etc.) ainsi que les intervenants au sein de chaque service (internes et externes), on comprend à quel point il est ardu aujourd’hui de proposer une mise en oeuvre entièrement cohérente et parfaitement de bon sens…
Cependant, il devient essentiel pour le grand public de retrouver du sens, et du bon sens, tant dans le discours des marques que dans leurs actes. À force d’être drivées par la technique et les objectifs quantis, les marques perdent parfois de vue ces marqueurs si singuliers qui les déterminent ou les différencient pourtant au sein de leurs communautés et du grand public.
Mais plus globalement, ces défis font probablement perdre de vue le point essentiel de la marque et de ses salariés : sa mission. Il ne s’agit pas seulement des objectifs commerciaux, le seul indicateur qui semble être suivi aujourd’hui chez certains annonceurs, mais de la promesse de marque, sa raison d’être (ou de travailler pour cette marque, quand il s’agit d’un salarié), ses ambitions et de ses valeurs.
L’enjeu est de taille. Pour rétablir la confiance, les marques doivent repenser leurs valeurs ainsi que leur mission, se repositionner sur de nouvelles normes qui font écho à la société actuelle et (r)apporter du sens à leurs stratégies de moyens. Cette année, plus que jamais, l’utilisateur doit véritablement revenir au centre des stratégies des annonceurs.
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