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Devenir une love brand ou mourir…

C’est une vidéo de Time for the Planet dans laquelle Fabrice Bonnifet, Directeur Développement Durable, Qualité, Sécurité, Environnement de Bouygues et Président du C3D (Collège des Directeurs du Développement Durable), s’exprime et qui éclaire sur les modèles de demain : l’entreprise contributive.

Un changement de modèle

Nous évoquons régulièrement le concept de Cygne Vert, de John Elkington, et il prend tout son sens dans cet échange. En effet, Fabrice Bonnifet nous explique que les entreprises devront se tourner vers un nouveau modèle contributif. Dans le modèle qu’il évoque, nous basculons vers cette 3ème voie possible, et il s’agit ici de penser notre économie comme une économie de l’usage.


L’exemple qu’il propose dans son interview est celui de Michelin qui, devant la quantité de matière première disponible (le caoutchouc) pour la fabrication de pneus de camions, a décidé de se tourner vers un nouveau modèle. Dans un monde de profits (croissants), l’objectif du fabricant est de produire toujours plus de pneus ; l’intérêt de Michelin est donc que le pneu dure le moins longtemps possible pour que les clients en consomment plus. C’est le concept d’obsolescence programmée appliquée aux pneus. Mais Michelin s’est aperçu que cette croissance ne peut être infinie. En effet, comment garantir que le caoutchouc nécessaire à la fabrication sera toujours disponible en quantité suffisante tandis que la production ne cesse de grandir ? Devant le problème de chaîne de production, le fabricant de pneumatiques s’est carrément tourné vers un autre modèle économique, mais tout aussi profitable : il propose désormais les pneus de camions à la location, avec un tarif ajusté au nombre de kilomètres parcourus. Une fois le pneu usagé, Michelin le récupère ainsi que la matière première réexploitable. Dans la démonstration de Fabrice Bonnifet avec Michelin le business model continue d’être profitable, mais il devient aussi durable. Oui, mais bien entendu l’exemple ne fonctionne que si tous les acteurs entrent dans la même démarche : si les transporteurs restent dans une approche de croissance constante de leurs flottes, nous serons confrontés au même problème, tôt ou tard, puisque le caoutchouc nécessite d’un certain temps pour se renouveler (ainsi que d’autres pièces, comme avec les problèmes actuels de composants). Le caoutchouc est donc disponible dans une limite de volume, sur un temps donné (si nous produisons plus vite que la matière première ne se regénère, nous arrivons à épuisement de ladite ressource).

Il s’agit donc de faire basculer tout le système dans un nouveau modèle économique. Tout comme l’économie de Donut (ou modèle coronal, qui propose une économie uniquement viable dans l’espace situé entre un plancher social et un plafond environnemental), ce système permet d’ouvrir cette 3ème voie où le modèle financier et le modèle humain parviennent à trouver une sorte de compromis / de consensus… Et finalement, lorsqu’on écoute tout le propos de Fabrice Bonnifet, et même si il n’est jamais précisément nommé, c’est exactement de modèle coronal dont il est question.

Un basculement prochain avec les crises en cours ?

Comme nous l’évoquons régulièrement, les initiatives sont parfois engagées par conviction, parfois par opportunité… Aujourd’hui, nous pourrions nous interroger sur les limites et leurs rôles dans les crises en cours et les modèles proposés. Nous avons déjà évoqué les risques en lien avec la capilarité ascendante des capitaux et la concentration des marchés avec des « superplayers » devenus des titans (avec de plus en plus de positions monopolistiques).
Les crises sont présentes et se cumulent depuis mars 2020, avec des pénuries de containers, de composants et avec des matières premières dont les cours s’envolent… Dans cet ancien monde où la productivité est toujours plus grande, le modèle financier a exploité les ressources jusqu’à ses ultimes limites dont les pénuries actuelles en sont parfois l’illustration. Devant un potentiel écroulement (financier et social), le basculement vers un nouveau modèle vert ne devient-il pas inexorable, à très court terme ?
Pris dans le piège d’un monde limité, les acteurs de la finance ne chercheraient-ils pas, finalement, à se « réinventer » avec un modèle « faussement vert ». Nous l’évoquions dans l’étude Data Marketing où nous montrions que le durable est aussi un nouveau marché et un moyen de réoxygéner une économie très malade…

Il n’y a plus assez de temps pour attendre…

Pour survivre dans les nouveaux modèles économiques proposés, les entreprises vont devoir faire des paris et se réinventer. L’ancien modèle ne survivra pas, nous en parlons souvent ici. Les sociétés qui pensent encore avoir le temps et qui cherchent à poursuivre dans la voie de la croissance infinie « le temps que les choses se passent » se trompent lourdement. Il faut du temps pour basculer d’un modèle à un autre. Beaucoup de salariés du métier témoignent des difficultés à reconfigurer les chaînes de production dans des modèles durables. Beaucoup de Directions abondent et évoquent de les multiples difficultés de la transition : règlementations, fonds qui exigent des profits croissants alors que le changement implique des investissements (cf. notre article à propos de Danone), freins relatifs aux ressources humaines et aux compétences, aux lieux de production, aux innovations etc.

Et une Relation Client qui s’érode…

Dans cette recherche constante de (sur)productivité et ancrées dans des modèles ultra court-termistes, les sociétés qui n’ont pas encore saisi les évolutions à venir abusent de mécaniques hautement ROIstes, mais détériorent progressivement leur relation client. Elles ont jusque-là privilégié l’efficacité, sans se soucier de leur image ni de la perception de ceux qu’elles appellent « les consommateurs ».
Les entreprises vertueuses prennent plus que de l’avance dans le futur modèle économique puisqu’elles capitalisent sur les valeurs qui feront les fondements du durable : l’humain et le vivant. Cela passe nécessairement par des pratiques plus vertueuses et plus respectueuses. De plus en plus d’études et de statistiques montrent que le public :

  • est prêt à basculer vers un nouveau modèle durable et responsable,
  • change ses habitudes de consommation en fonction de ces critères de durabilité et de responsabilité,
  • accorde sa confiance aux entreprises vertueuses plutôt qu’à celles enracinées dans l’ancien monde (ou qui ne montrent pas assez les changements vertueux qu’elles opèrent)

Le problème avec la confiance…

La confiance met du temps à s’obtenir… Mais la moindre erreur peut entraîner une perte de confiance très difficile à contourner, même avec de gros investissements. Devant les mutations de plus en plus rapides et radicales de notre système, nous pouvons tout simplement nous interroger sur la viabilité des entreprises qui ne bénéficient pas de la confiance du public dans le nouveau modèle proposé. Et pour faire le lien avec les propos de Fabrice Bonnifet, nous pourrions poursuivre l’exemple qu’il donne de l’économie de l’usage. Outre Michelin, le Président du C3D évoque dans son interview un fabricant de machine à laver qui, dans une économie de l’usage, n’aurait aucun intérêt à privilégier l’obsolescence programmée de ses produits, puisque dans ce système où le public loue son produit plutôt qu’il ne l’achète, il serait contreproductif (voire dangereux pour la viabilité de l’entreprise) que le produit tombe régulièrement en panne ou soit de mauvaise qualité.
À cela, nous avons envie d’ajouter que si le fabricant existe déjà mais qu’il n’a pas déjà acquis la confiance du public (ou qu’il l’a perdue), il lui sera très pénible de survivre dans le prochain modèle… Demain, la marque devra être une love brand… ou elle disparaîtra…

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